En cette semaine de la Journée Olympique, revivons l’un des plus beaux gestes de fair-play de l’histoire des Jeux
Chaque année, le 23 juin, nous célébrons la Journée Olympique, le jour où le Comité International Olympique a été fondé à la Sorbonne à Paris, où Pierre de Coubertin a donné forme à la renaissance des Jeux Olympiques le 23 juin 1894.
Le baron de Coubertin ne mesurait que 1,62 mètre, mais il était, à bien des égards, un géant du XXe siècle. Né en 1863, il est devenu le champion des gens ordinaires, en épousant des valeurs telles que la liberté, l’égalité et la fraternité entre les peuples.
Son nom est inextricablement lié à l’idéal de l’Olympisme, aujourd’hui distillé dans les trois valeurs Olympiques que sont l’amitié, l’excellence et le respect. Une célébration, donc, de la passion et de la détermination nécessaires pour entrer dans l’histoire des Jeux des cinq anneaux.
En ce jour Olympique par excellence, nous souhaitons donc évoquer l’un des plus beaux gestes de fair-play de l’histoire des Jeux Olympiques, le fameux « boulon » d’Eugenio Monti.
Une histoire de vitesse
Eugenio Monti est un personnage inoubliable du sport italien, mais pas seulement. Des cheveux roux, des yeux expressifs, de l’énergie à revendre et surtout beaucoup de courage.
Né à Dobbiaco le 23 janvier 1928 (mais originaire de Cortina), il passe sa jeunesse sur les skis et remporte deux fois les championnats italiens en géant en 1949 et en slalom l’année suivante, rivalisant avec le légendaire Zeno Colò (mais ceci est une autre histoire). Cela ressemble au début d’une grande carrière. Mais il n’en est rien : rupture des ligaments, puis nouvel accident. Tout est fini, du moins pour le ski.
Cependant, l’attrait de la vitesse est trop fort. Un plan B s’impose, au sens propre du terme. Eugenio Monti enlève ses skis et commence à pousser son bobsleigh à fond. Une discipline qui fait de lui une icône.
Les Jeux Olympiques, enfin !
En 1954, les premières victoires et les premiers développements technologiques dans l’utilisation des matériaux ont lieu : Monti n’est pas seulement un pilote habile sur les pistes glacées, il comprend aussi rapidement quels matériaux utiliser pour rendre son engin de plus en plus performant. Car, outre le bobsleigh, Eugenio a aussi la passion de la vitesse en voiture.
Aux Jeux de Cortina, en 1956, il remporte deux médailles d’argent : en bob à deux (avec son partenaire de toujours Renzo Alverà, avec lequel il gagne également la médaille d’or aux Championnats du monde de bob à deux en 1957) et en bob à quatre (avec Girardi, Mocellini et Alverà).
À Squaw Valley 1960, le « Rouge volant », comme l’a rebaptisé Gianni Brera, ne participe pas aux Jeux américains, mais c’est loin d’être de sa faute. Cette année-là, les Jeux Olympiques sont précédés d’une controverse qui éclate lorsque le comité d’organisation décide de ne pas construire de piste de bobsleigh, puisque seuls neuf pays ont fait part de leur intention de participer. Les Jeux de 1960 sont la seule édition où le bobsleigh n’est pas inscrit au programme Olympique.
Innsbruck 1964 et l’immortalité sportive
Cependant, ce ne sont pas les victoires qui font entrer Eugenio Monti dans l’Histoire, celle avec un grand H.
Aux Jeux Olympiques d’Innsbruck en 1964, le Rouge est le porte-drapeau de l’Italie grâce à une carrière déjà plus que brillante. L’histoire semblait déjà écrite.
Le 31 janvier, Monti et Siorpaes, dans l’épreuve de bobsleigh à deux, affrontent leurs compatriotes Zardini et Bonagura et l’équipage formé par les Britanniques Nash et Dixon. La compétition est féroce : après deux descentes, Monti est troisième, les Britanniques premiers.
Ce n’est pas le résultat espéré, mais il y est pour quelque chose. Car cet après-midi-là, Monti est l’architecte de son propre résultat. Lors de la première manche, l’essieu arrière de la luge britannique se brise et Nash et Dixon ne peuvent plus continuer. Monti s’en aperçoit immédiatement et, sans dire un mot, envoie à ses adversaires un boulon de rechange. Les Anglais remercient et s’envolent vers la première place.
Le classement ne bougera plus : Monti termine troisième, Nash premier. La médaille de l’Italien est la moins précieuse en apparence. « Grâce à Monti, nous sommes en tête, son attitude loyale est le plus grand geste de courtoisie que j’aie jamais reçu en tant que sportif dans ma vie », déclare Nash après l’épreuve. En revanche, la presse italienne critique ce geste et Monti riposte : « Nash n’a pas gagné parce que je lui ai donné le boulon. Il a gagné parce qu’il est allé plus vite ».
Enfin l’or à Grenoble 1968
À Grenoble 1968, à l’âge de 40 ans, Monti met fin à sa carrière en remportant la médaille d’or jusqu’alors insaisissable dans les épreuves de bobsleigh à deux et à quatre.En bob à deux avec Luciano De Paolis et en bob à quatre toujours avec De Paolis, Mario Armano et Roberto Zandonella.
Une façon unique et inoubliable de terminer sa carrière Olympique. Un homme qui devient une légende, une histoire qui survit à l’usure du temps. La piste de bobsleigh de Cortina est en effet dédiée à la mémoire de l’un de ses plus illustres sportifs.
Le Saint-Moritz Bobsleigh Club, le premier club de bobsleigh de l’histoire, lui a également dédié un monument, appelé Monti’s bolt (le boulon de Monti), situé à la sortie du virage 4 (Sunny Corner) de la célèbre piste Olympia Bobrun St. Moritz-Celerina, en souvenir de son geste pour Nash et Dixon, membres du club suisse.
Quel que soit le point de vue, le geste de Monti est certainement l’un des plus beaux et des plus significatifs de l’histoire Olympique. La compétition loyale qui prime sur la victoire, dans le respect des athlètes affrontés, qui ne sont des adversaires que sur la piste, mais jamais dans la vie.
Un geste que nous ne nous lassons pas de célébrer en cette période de la Journée Olympique.
